Un agent pathogène de la canne à sucre serait efficace contre les superbactéries
Une puissante toxine végétale dotée d’une méthode unique pour tuer les bactéries nuisibles, s’est révélée être l’un des nouveaux candidats antibiotiques les plus solides depuis des décennies.
L’albicidine
Cet antibiotique, appelé albicidine, est produit par la bactérie phytopathogène Xanthomonas albilineans, qui provoque la maladie dévastatrice de l’échaudure des feuilles de la canne à sucre. On pense que l’albicidine est utilisée par l’agent pathogène pour attaquer cette plante, ce qui permet sa propagation.
On sait depuis un certain temps que l’albicidine est très efficace pour tuer les bactéries, notamment E. coli et S. aureus. Ces superbactéries, connues pour leur résistance croissante aux antibiotiques actuels, ont suscité un besoin vital de nouveaux médicaments efficaces.
Malgré son potentiel d’antibiotique et sa faible toxicité dans les expériences précliniques, le développement pharmaceutique de l’albicidine a été entravé parce que les scientifiques ne savaient pas précisément comment elle interagissait avec sa cible, l’enzyme bactérienne ADN gyrase (gyrase). Cette enzyme se lie à l’ADN et, par une série de mouvements élégants, l’entortille, un processus connu sous le nom de superenroulement qui est vital pour le bon fonctionnement des cellules.
Maintenant, le groupe de recherche du Dr Dmitry Ghilarov au John Innes Centre, ainsi que les laboratoires du professeur Roderich Süssmuth à la Technische Universität Berlin, en Allemagne, et du professeur Jonathan Heddle à l’université Jagiellonian, en Pologne, ont exploité les progrès de la microscopie cryo-électronique pour obtenir un premier cliché de l’albicidine liée à la gyrase.
Ils ont montré que l’albicidine forme une L-forme, ce qui lui permet d’interagir à la fois avec la gyrase et l’ADN d’une manière unique. Dans cet état, la gyrase ne peut plus se déplacer pour rapprocher les extrémités de l’ADN. L’effet de l’albicidine s’apparente à une clé à molette jetée entre deux engrenages.
L’un des nouveaux antibiotiques candidats les plus intéressants
Le Dr Ghilarov a déclaré : « nous pensons qu’il s’agit de l’un des nouveaux antibiotiques candidats les plus intéressants depuis de nombreuses années. Il est extrêmement efficace à de faibles concentrations et très puissant contre les bactéries pathogènes, même celles qui résistent aux antibiotiques largement utilisés comme les fluoroquinolones. »
« Cette molécule existe depuis des décennies », poursuit le Dr Ghilarov, « Maintenant, les progrès de la microscopie cryo-électronique ont permis de déterminer les structures des complexes protéine-ADN les plus élaborés. Être la première personne à voir cette molécule liée à sa cible et comment elle fonctionne est un immense privilège, et la meilleure récompense que l’on puisse avoir en tant que scientifique. Mais ce travail est un grand effort d’équipe, et nous n’y serions pas parvenus sans nos collègues européens. »
Rechercher des financements pour faire avancer cette recherche
La prochaine étape de cette recherche consiste à s’engager auprès de collaborateurs universitaires et industriels, et à rechercher des financements pour faire avancer cette recherche jusqu’aux essais cliniques sur l’homme. Cela pourrait conduire au développement d’une nouvelle classe d’antibiotiques dont le besoin est urgent face à la menace mondiale de la résistance antimicrobienne.
Cette recherche a été publiée dans Nature Catalysis.
Source : John Innes Centre
Crédit photo : StockPhotoSecrets