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Les médicaments mutagènes rendraient les virus plus dangereux

biologie 26 août 2022

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Selon certains chercheurs, l’utilisation des médicaments antiviraux qui tuent les virus en induisant de nombreuses mutations, devrait être limitée en raison des dangers potentiels mis en évidence par de nouvelles recherches.

Les virus pourraient acquérir des mutations

La modélisation informatique suggère que ces médicaments pourraient amener les virus à acquérir des changements qu’ils n’auraient pas acquis autrement, et d’une manière que les tests en laboratoire ne peuvent pas détecter.

Les médicaments mutagènes sont conçus pour augmenter les taux de mutation dans les virus ou les cellules cancéreuses et produire un « effondrement mutationnel ». Plusieurs médicaments mutagènes sont utilisés, notamment le molnupiravir, qui est utilisé pour traiter la COVID-19. Ces médicaments consistent en des molécules qui imitent les éléments constitutifs de l’ARN et s’ajoutent aux génomes ARN des virus lorsqu’ils se répliquent, induisant des mutations.

Ils pourraient échapper à l’effondrement mutationnel

À l’aide de ce modèle, Claudia Bank, de l’université de Berne, en Suisse, et ses collègues ont évalué plusieurs façons possibles pour les virus d’acquérir une résistance à ces médicaments. La découverte la plus surprenante est que les changements qui rendent les virus plus sensibles aux effets des mutations nocives pourraient, dans de très rares cas, leur permettre d’échapper à l’effondrement mutationnel.

Cela peut se produire parce qu’une plus grande susceptibilité aux mutations nuisibles, rend la sélection naturelle plus efficace pour éliminer les mutations nuisibles. Mais cette sensibilité doit évoluer très tôt, sinon une population de virus aura déjà accumulé suffisamment de mutations néfastes pour s’éteindre.

Ce phénomène ne serait pas détectable lors des tests

Selon ce modèle, ce phénomène serait si rare qu’il est peu probable que le mécanisme d’échappement soit observé lors des tests en laboratoire et des essais sur l’homme avant l’approbation d’un médicament, mais il pourrait se produire si un médicament est administré à des millions de personnes.

Si cela se produisait pendant le traitement d’une personne, le risque ne toucherait pas que celle-ci. Un virus qui survit à un traitement par un médicament mutagène, pourrait acquérir beaucoup plus de mutations qu’il ne le ferait autrement, ce qui pourrait conduire à l’évolution de variantes plus dangereuses, qui pourraient se propager largement si elles infectaient d’autres personnes.

Les risques seront encore plus élevés si les personnes manquent des doses ou ne terminent pas leur traitement, ajoute-t-elle. « Je suggère que les médicaments mutagènes ne soient administrés que dans les hôpitaux et les cabinets médicaux, où les doses et les intervalles d’administration sont contrôlés.

« Comme cela arrive régulièrement avec les traitements antibiotiques, les patients risquent d’oublier de prendre le médicament ou d’arrêter le traitement prématurément lorsqu’ils se sentent mieux, s’ils sont autorisés à l’administrer eux-mêmes », ajoute-t-elle.

Des conclusions exactes mais qui doivent être confirmées

William Haseltine, du groupe de réflexion sur la santé mondiale ACCESS Health International, pense que les conclusions de cette étude sont exactes, mais pour les confirmer, il faudra procéder à des observations expérimentales, dit-il.

M. Haseltine a déjà exprimé des inquiétudes quant à la sécurité des médicaments mutagènes, et pense que les risques sont supérieurs aux avantages. « Ils ne devraient pas être utilisés pour les virus transmissibles », dit-il. « C’est un danger substantiel ».

Ronald Swanstrom de l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill ne considère pas l’utilisation de médicaments mutagènes comme un risque majeur. « J’ai tendance à être moins préoccupé par cela », déclare Swanstrom. « Le virus [qui cause la COVID-19] semble faire un assez bon travail à lui seul. »

« L’histoire a montré que les connaissances issues uniquement d’expériences de modélisation informatique nécessitent une évaluation et une interprétation minutieuses, par rapport aux résultats d’études menées dans des systèmes vivants », a déclaré un porte-parole de Merck, le fabricant du molnupiravir.

Ils pourraient même induire des mutations dans les cellules des personnes traitées

Swanstrom dit qu’il y a un autre problème potentiel avec les médicaments mutagènes. Étant donné que les éléments constitutifs de l’ARN peuvent être transformés en éléments constitutifs de l’ADN, ces médicaments pourraient, en théorie, induire des mutations dans les cellules des personnes traitées. L’équipe de Swanstrom a montré que cela se produit dans les cellules animales , mais il n’a pas été démontré que ce processus présente des dangers pour les animaux ou les personnes.

« Nous ne savons tout simplement pas ce que cela signifie à long terme pour les gens », dit-il. Ce n’est peut-être pas plus dangereux que de passer une radiographie, dit Swanstrom.

Limiter l’usage de ce type de médicaments

Toutefois, dans un article paru au début de l’année, M. Swanstrom a suggéré que l’utilisation du médicament soit davantage limitée aux personnes qui en ont vraiment besoin et qui sont âgées de plus de 50 ans, afin de minimiser tout risque de cancer ou de transmission des mutations dangereuses aux enfants. Il faudrait également tenir un registre des personnes qui ont reçu le médicament, dit-il.

Cette recherche a été publiée dans bioRxiv.

Source : New Scientist
Crédit photo : iStock