Technologie Média

La superbactérie C. difficile peut passer du porc à l’homme

biologie 25 avril 2022

la-superbactérie-C-difficile-peut-passer-du-porc-à-homme

Une étude portant sur des échantillons de la superbactérie Clostridioides difficile dans 14 élevages de porcs au Danemark révèle le partage de plusieurs gènes de la résistance aux antibiotiques entre les porcs et les patients humains, ce qui prouve que la transmission de l’animal à l’homme (zoonotique) est possible.

Une résistance qui se propage plus largement qu’on ne le pensait auparavant

Cette étude, réalisée par le Dr Semeh Bejaoui et ses collègues de l’Université de Copenhague et du Statens Serum Institut au Danemark, est présentée cette année au Congrès européen de microbiologie clinique et des maladies infectieuses (ECCMID) à Lisbonne, au Portugal (23-26 avril).

« Notre découverte des gènes de la résistance multiples et partagés indique que C. difficile est un réservoir de gènes de la résistance aux antimicrobiens qui peuvent être échangés entre les animaux et les humains », déclare le Dr Bejaoui. « Cette découverte alarmante suggère que la résistance aux antibiotiques peut se propager plus largement qu’on ne le pensait auparavant, et confirme les liens de la chaîne de la résistance allant des animaux d’élevage aux humains. »

Le C. difficile est une bactérie qui infecte l’intestin humain et qui résiste à tous les antibiotiques actuels, sauf trois. Certaines souches contiennent des gènes qui leur permettent de produire des toxines susceptibles de provoquer une inflammation dommageable dans l’intestin, entraînant des diarrhées potentiellement mortelles, principalement chez les personnes âgées et les patients hospitalisés qui ont été traités aux antibiotiques.

Une étude des selles venant de 514 porcs 

Des échantillons de selles ont été prélevés sur 514 porcs en deux lots dans des fermes du Danemark entre 2020 et 2021. Le lot A comprenait 330 échantillons provenant de truies, de porcelets et de porcs d’abattage de quatorze exploitations en 2020. Les 184 échantillons du lot B ont été prélevés lors de l’abattage en 2021.

Ces échantillons ont été examinés pour détecter la présence de la C. difficile et le séquençage génétique a été utilisé pour déterminer s’ils contenaient des gènes de la résistance aux toxines et aux médicaments. Le séquençage du génome a également été utilisé pour comparer les isolats de la C. difficile provenant des échantillons de porcs aux 934 isolats recueillis auprès de patients atteints d’une infection à la C. difficile au cours de la même période.

Sur ces 514 échantillons de porcs, 54 présentaient des signes de la C. difficile (lot A = 44, lot B = 9). D’autres analyses des 40 échantillons (lot A=33, lot B=7) ont révélé que la C. difficile était plus fréquente chez les porcelets et les truies que chez les porcs d’abattage. Les auteurs supposent que cela peut être dû à la différence d’âge entre les porcelets et les porcs adultes – les porcs plus jeunes ayant une composition du microbiote qui les rend plus susceptibles d’être colonisés avec succès.

Au total, treize types de séquences trouvés chez ces animaux correspondaient à ceux trouvés dans les échantillons de selles des patients. ST11, une souche associée aux animaux, était la plus fréquente (porc=21, humain=270). Dans seize cas, les souches ST11 présentes chez l’homme et chez l’animal étaient identiques.

Des résultats alarmants

Tous les isolats provenant d’animaux étaient positifs pour les gènes de la toxine et dix d’entre eux étaient également très virulents, avec une capacité encore plus grande à provoquer une maladie.

Au total, 38 isolats provenant d’animaux contenaient au moins un gène de la résistance – et dans l’ensemble, une résistance était prévue pour sept classes d’antibiotiques, dont les plus courantes étaient les macrolides, les ß-lactames, les aminoglicosides et la vancomycine – qui sont importants pour le traitement des infections bactériennes graves.

« L’utilisation excessive d’antibiotiques en médecine humaine et comme outils de production bon marché dans les exploitations agricoles compromet notre capacité à soigner les infections bactériennes », explique le Dr Bejaoui. « l’important réservoir des gènes conférant une résistance aux aminoglycosides, une classe d’antibiotiques à laquelle C. difficile est très résistant – ils ne sont pas nécessaires à la résistance de cette espèce, est particulièrement préoccupant. La C. difficile joue donc un rôle dans la propagation de ces gènes à d’autres espèces ».

Adopter une approche plus globale

Elle poursuit : « cette étude apporte des preuves supplémentaires de la pression évolutive liée à l’utilisation d’antimicrobiens dans l’élevage, qui sélectionne des agents pathogènes humains dangereusement résistants. Cela souligne l’importance d’adopter une approche plus globale, pour la gestion de l’infection à la C. difficile, afin d’envisager toutes les voies possibles de dissémination. »

Source : ECCMID
Crédit photo : iStock