Une nouvelle approche pour cibler le cancer de la prostate
Alors que les chercheurs ont identifié plusieurs gènes à l’origine du cancer de la prostate, une nouvelle étude révèle le marionnettiste qui contrôle les ficelles. Ces ficelles : des gènes cancérigènes, ou oncogènes, tels que le récepteur des androgènes, FOXA1, ERG et MYC.
Le complexe SWI/SNF
Le marionnettiste : un complexe de remodelage de la chromatine appelé SWI/SNF, qui contrôle la manière dont l’ADN est disposé et compacté pour s’adapter au noyau d’une cellule. Une sous-unité-clé de ce complexe fournit l’énergie nécessaire pour dérouler l’ADN afin de permettre l’accès aux éléments amplificateurs, qui augmentent l’expression des gènes cancérigènes.
Dans l’étude actuelle, des chercheurs du Rogel Cancer Center de l’Université du Michigan ont démontré que le complexe SWI/SNF facilite l’accès aux éléments amplificateurs auxquels les oncogènes peuvent se lier et entraîner l’expression des gènes en aval dans le cancer. La dégradation d’une sous-unité de ce complexe bloque les oncogènes, comme si l’on coupait les ficelles du marionnettiste.
Cette découverte révèle une nouvelle approche du traitement des cancers de la prostate alimentés par différents facteurs génétiques, qui représentent au total plus de 90 % de tous les cancers de la prostate.
Dans les cellules humaines, l’ADN est étroitement enroulé autour de protéines histones, collectivement appelées chromatine. Celles-ci forment une barrière physique à tous les processus basés sur l’ADN. Des machineries protéiques spécialisées ont évolué, consommant de l’énergie et modulant l’état physique de l’ADN pour son activation fonctionnelle.
Des facteurs de transcription
Ces complexes travaillent en étroite collaboration avec des facteurs de régulation de la liaison à l’ADN, appelés facteurs de transcription, pour conférer une identité et une fonction cellulaires distinctes.
« Il s’agit de la première démonstration dans le domaine du cancer que le blocage de l’accès à la chromatine peut être envisagé comme une voie de traitement du cancer. En compactant la chromatine autour de ces éléments amplificateurs, on empêche les facteurs de transcription de se lier aux éléments amplificateurs qui provoquent le cancer », a déclaré l’auteur de cette étude, Arul M. Chinnaiyan.
Les chercheurs ont examiné plusieurs modèles de cancer de la prostate exprimant différents oncogènes. Ils ont constaté que le blocage du complexe SWI/SNF ralentissait la croissance des cellules cancéreuses et induisait la mort cellulaire, en particulier dans les tumeurs dirigées par FOXA1 ou le récepteur d’androgènes. Il n’y avait aucun effet sur les cellules prostatiques bénignes.
Dans le développement normal, le complexe SWI/SNF est essentiel. « Les cellules normales peuvent survivre avec des niveaux de transcription des gènes par défaut, mais les cellules cancéreuses sont particulièrement dépendantes de ces régions amplificatrices. Elles ont besoin d’y accéder pour augmenter l’expression de leurs cibles oncogènes », a déclaré M. Chinnaiyan.
Les composants du complexe SWI/SNF sont mutés dans un certain nombre de cancers, mais rarement dans le cancer de la prostate. Les cancers de la prostate dirigés par le récepteur d’androgène ou FOXA1 étaient plus sensibles à un dégradeur SWI/SNF que même les cancers dans lesquels les sous-unités étaient mutées.
Un dégradeur de SWI/SNF en cours de développement
« Sans avoir des mutations, et avec seulement des facteurs de transcription oncogènes impliqués, les cellules du cancer de la prostate étaient très sensibles à ce dégradeur, encore plus que le cancer du poumon où un composant de la voie était muté », a déclaré Chinnaiyan. « En désactivant le complexe SWI/SNF, nous avons constaté une activité préférentielle contre certains cancers et aucune toxicité dans les cellules ou les tissus normaux. Cela est de bon augure pour les études cliniques utilisant des composés qui ciblent cette voie. »
Pour d’autres types de cancers
Cela suggère également la possibilité d’utiliser cette approche pour d’autres types de cancer qui sont dépendants des facteurs de transcription oncogènes, notamment certains myélomes multiples et d’autres cancers du sang. Les chercheurs ont utilisé un dégradeur de SWI/SNF en cours de développement par la société indienne Aurigene Discovery Technologies. Ces composés sont en cours de développement pour de futurs essais cliniques.
Dans cette vidéo, l’équipe nous explique leur découverte (vous pouvez ajouter les sous-titres).
Cette recherche a été publiée dans Nature.
Source : University of Michigan
Crédit photo : Deposotphotos