Le gène de la cécité infantile identifié
Notre génome est composé de 20 000 gènes, qui peuvent tous causer des maladies. À l’heure actuelle, 4 141 gènes ont été identifiés comme étant responsables d’anomalies génétiques, laissant environ 16 000 gènes dont le rôle pour des maladies demeure inconnue.
Une maladie qui conduit à la cécité
Des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE), en Suisse – travaillant en collaboration avec des scientifiques du Pakistan et des États-Unis – ont étudié une maladie génétique récessive qui détruit les yeux et qui aboutit à la cécité infantile. Cette maladie est un problème mondial majeur, notamment dans les pays en voie de développement. Les chercheurs ont longtemps pensé que les principales causes étaient déterminées par le statut socioéconomique des patients, et leur accès à des soins de santé de base. Mais après avoir analysé les génomes de chaque membre d’une famille consanguine avec des enfants affectés par la cécité infantile, les généticiens ont identifié des mutations pathogènes dans un nouveau gène appelé MARK3, comme étant la véritable cause.
Ils ont ensuite confirmé leurs découvertes – publiées dans la revue Human Molecular Genetics – en modifiant le gène homologue chez la drosophile, ce qui a entraîné un développement anormal de l’œil et une cécité. L’identification de la maladie liée à MARK3 aidera à comprendre le mécanisme de la maladie, à produire de meilleurs diagnostics et à initier des efforts pour un traitement personnalisé.
Les troubles génétiques monogéniques se répartissent en deux catégories: la première – les troubles dits dominants – où une seule copie d’un gène mutant pour provoquer cette maladie, comme la maladie de Huntington. La seconde – les troubles récessifs – sont déclenchés par une mutation sur les deux copies du gène, comme c’est le cas avec la fibrose kystique.
«Dans nos tentatives pour découvrir de nouveaux troubles génétiques récessifs, nous avons examiné les familles où il y avait un mariage consanguin, et où les deux parents portaient une copie du gène mutant et le transmettaient à leurs enfants», explique Stylianos Antonarakis, professeur émérite à l’Université de Genève. Les généticiens genevois se sont alors alliés à l’Université de Liaquat au Pakistan, un pays où plus de 50% des mariages ont lieu entre des parents proches.
Un trouble inconnu qui détruit la vue
Les généticiens se sont intéressés à une maladie inconnue qui empêche les yeux de se développer correctement et les détruit progressivement. « Nous avons trouvé que le trouble était présent chez les enfants de parents consanguins, ce qui a conduit à l’hypothèse qu’il s’agissait d’une maladie génétique récessive », poursuit le professeur Antonarakis. Pour qu’un trouble entre dans cette catégorie, il doit toucher au moins deux enfants de la même famille (quel que soit leur sexe) et les parents doivent être en bonne santé.
Deux cents familles pakistanaises répondant à ces critères ont été sélectionnées pour cette recherche. «Nous avons commencé par séquencer les génomes de chaque membre d’une famille ayant trois enfants présentant une anomalie génétique et deux enfants en bonne santé, l’objectif étant de voir quel gène avait des mutations sur les deux copies, chez les enfants affectés, sur une copie chez les parents, et un autre groupe ayant des gènes dont les frères et sœurs étaient normaux », explique Muhammad Ansar, chercheur au Département de médecine génétique de l’UNIGE. Après avoir effectué une analyse bio-informatique et une ségrégation génétique, pour rechercher les mutations de chaque gène, chez les enfants sains et affectés, les chercheurs ont réussi à isoler le gène MARK3 comme étant responsable du trouble récessif.
Confirmer ce résultat avec la drosophile
« Pour confirmer si le gène MARK3 était vraiment le gène responsable de la cécité, nous avons vérifié si une mutation similaire chez la drosophile entraînait les mêmes anomalies oculaires », explique Ansar. Les chercheurs de l’UNIGE ont collaboré avec des experts du Baylor College of Medicine de Houston pour modifier génétiquement la mouche drosophile, en introduisant la mutation de deux copies dans le gène MARK3 des mouches. Le résultat était que les drosophiles avaient des yeux dont le développement ne se produisant pas, donc elles étaient aveugles, ce qui est très semblable aux enfants affectés dans la famille pakistanaise. Ces résultats ont fourni une validation des résultats de la recherche chez les patients humains.
La recherche des gènes responsables des troubles récessifs n’est que le début
Cette découverte signifie qu’un nouveau trouble récessif peut être diagnostiqué avec précision. « Nous pouvons maintenant nous concentrer sur l’étude des mécanismes à l’origine de cette maladie dans le but de trouver un traitement efficace », s’enthousiasme Antonarakis. Il est également possible d’effectuer un test rapide et peu coûteux, sur les personnes de la même famille pour déterminer si elles transmettront le gène mutant de ce trouble oculaire à leurs enfants et, dans certains cas, pour limiter le mariage entre les porteurs. de la mutation du gène pathogène en leur montrant qu’ils peuvent engendré des enfants aveugles.
« Notre collaboration avec le Pakistan nous a permis d’identifier plus de 30 gènes potentiellement responsables de troubles génétiques récessifs. Nous sommes en train d’affiner nos analyses afin de réduire petit à petit le nombre total de 16 000 gènes, dont les mutations et les maladies demeurent pour le moment un mystère. « , concluent les chercheurs genevois.
Source : Oxford Academic