De fines particules de sel pourraient refroidir notre planète
Un remède dernier cri contre une catastrophe climatique pourrait se trouver dans votre cuisine. Si les efforts pour contrôler les gaz à effet de serre échouent, le sel finement répandu dans la haute troposphère pourrait retenir les rayons du soleil et refroidir notre planète, ont rapporté aujourd’hui des chercheurs lors de la conférence de Lunar and Planetary Science. Cette approche innovatrice pourrait être plus inoffensive que d’autres systèmes pour limiter les dégâts causés par les changements climatiques.
La géo-ingénierie du climat
Depuis plusieurs décennies, les scientifiques ont suggéré divers moyens de géo-ingénierie du climat, dont plusieurs propositions prévoyaient l’injection de particules microscopiques, appelées aérosols, dans la stratosphère, la région calme de l’atmosphère au-dessus de la troposphère, se trouvant à environ 18 kilomètres de l’équateur. À partir de là, ils reflèteraient la lumière du soleil dans l’espace, imitant l’influence de grandes éruptions volcaniques qui ont temporairement refroidi la planète dans le passé.
De telles propositions impliquent souvent des sulfates, des particules qui se forment dans la stratosphère à partir du dioxyde de soufre éjecté par les volcans, ou d’autres molécules à haute réflectivité, telles que la poussière de diamant ou l’alumine (oxyde d’aluminium). Mais toutes ces approches présentent des inconvénients, explique Robert Nelson, chercheur principal au Planetary Science Institute, basé à Pasadena en Californie. Le dioxyde de soufre, par exemple, pourrait endommager la couche d’ozone ou provoquer des pluies acides.
L’alumine pourrait être encore pire, dit Nelson. Bien qu’il soit extrêmement réfléchissant, il pourrait s’incruster dans les poumons s’il est inhalé, et causer une maladie chronique semblable à la silicose. Toutefois, compte tenu de la quantité limitée d’alumine requise, cette solution est loin d’être un véritable danger pour les humains. Mais puisque qu’il a des risques, cette option n’a jamais été retenue par les scientifiques.
Le sel de table
Donc, Nelson a continué à chercher d’autres composés réfléchissants qui pourraient être moins dangereux pour la santé humaine. En 2015, il a étudié des sels évaporés à la surface d’autres planétoïdes du système solaire, tels que la planète naine Cérès. Il s’est vite rendu compte que le simple sel de table était plus réfléchissant que l’alumine, tout en étant inoffensif pour les humains. De plus, Nelson croit que le sel lorsqu’il est broyé en particules assez petites et dispersées au hasard, il ne bloquerait pas la chaleur infrarouge émise par la Terre, ajoutant à son effet de refroidissement.
Selon Matthew Watson, volcanologue à l’Université de Bristol au Royaume-Uni, Nelson n’est pas le premier à avoir pensé au sel; Watson a mené une expérience de « géo-ingénierie », appelée « projet d’ingénierie des particules stratosphériques contre les changements climatiques », qui a été annulée en 2012. Son groupe a brièvement examiné le sel pour l’injection stratosphérique, explique-t-il, mais des problèmes ont surgi.
Premièrement, il y a beaucoup de chlore dans le sel et le chlore peut contribuer à détruire la couche d’ozone. Watson nous explique que cela suffirait à rendre le sel un mauvais candidat pour limiter les changements climatiques, car rares sont ceux qui souhaiteraient injecter une particule susceptible de rouvrir le trou d’ozone. « Cela pourrait être un gros problème », admet David Keith, un scientifique de l’énergie et du climat axé sur la « géo-ingénierie » à l’Université d’Harvard. Le sel est également fortement attiré par l’eau, et l’eau est insuffisante dans la stratosphère, car l’injection de quantités même limitées de sel pourrait altérer la formation des nuages vaporeux et plusieurs autres effets encore inconnus.
L’injecter au bon endroit
Nelson croit que ces problèmes pourront être résolus en injectant du sel dans la haute troposphère, au-dessus des nuages qui se trouvent dans la stratosphère. Il prévoit également analyser de plus près les propriétés du sel; s’il parvient à résoudre certaines de ces questions, il aimerait pouvoir faire un test au-dessus d’une région affectée par des températures extrêmement chaudes. Cela permettrait de tester cette solution, tout en bénéficiant potentiellement du soutien de gens habitant ces régions, explique-t-il. Un tel effort de recherche ne peut venir qu’après un engagement approfondi avec le public, ajoute Nelson.
Une solution à court terme
Mais comme presque tous les scientifiques intéressés par la géo-ingénierie, Nelson souligne que la stratégie ne saurait remplacer l’action visant à réduire les émissions de carbone. Aucun type de gestion du rayonnement solaire, par exemple, n’empêcherait l’augmentation du dioxyde de carbone, acidifier au final les océans. Cette recherche devrait seulement être faite pour que le monde puisse potentiellement trouver une meilleure solution, explique Nelson. « Ce serait une solution palliative, et pas une solution à long terme ».
Mais pour le moment, compte tenu de son coût relativement bas, le sel serait une option efficace bien que temporaire, car la véritable solution se trouve entre les mains des habitants de la Terre, qui consiste à réduire la pollution que nous produisons à tous les jours qui s’élevait à 8,6 Gt de CO2 en 2013, et cela ne cesse d’augmenter.
[via Science]